Bonne nouvelle, cette émission va contribuer à réconcilier les gardiens de l'Ordre et les artisans du Chaos.
En effet, il se pourrait qu'une situation qui nous apparaît comme complètement chaotique soit une évolution parfaitement déterminée à partir d'un micro-évènement qui a provoqué des conséquences exponentielles que nous n'étions pas capable de prévoir.
Qu'est ce qu'il dit ???
Voici un exemple: si, d'un endroit précis, au sommet d'une montagne, vous laissez rouler un caillou, celui-ci va adopter une trajectoire qui sera influencée par les inégalités du terrain et par chacun des obstacles qu'il rencontrera pendant sa descente.
Maintenant, imaginons que vous décidiez de refaire l'expérience avec un 2e caillou identique. Très, vite, vous constaterez que la trajectoire de ce 2e caillou se met à diverger par rapport au premier caillou, alors que vous aviez choisi des conditions initiales identiques.
A l'arrivée, et selon la hauteur de la montagne choisie, nos deux cailloux pourront être distants de plusieurs centaines de mètres.
Comment est-ce possible ?
Au moment où vous avez lâché le 2e caillou, une imperceptible différence d'angulation dans la position de votre poignet, a déterminé une trajectoire très légèrement différente à partir de laquelle chacun des obstacles rencontrés, chacune des dénivellations franchies a contribué à accentuer la différence des trajectoires des 2 cailloux, ce qui finira par déterminer la distance qui les sépare à l'arrivée.
Conclusion: un événement microscopique au départ, peut, suite à une multiplication exponentielle de ses conséquences, déterminer, à l'arrivée, un écart gigantesque par rapport aux prévisions. On appelle cela la "dépendance sensitive aux conditions initiales".
L'"effet papillon" bien connu des météorologistes est un autre exemple de ce phénomène.
Les lois du Chaos qui ont été étudiées par Ilya Prigogine, René Thom et bien d'autres désormais, ne disent pas autre chose, si ce n'est de façon plus complète, en y incluant des modèles mathématiques basés sur les calculs de probabilités, les espaces des phases, le concept de prédicibilité, etc..
Le Chaos, le hasard et toutes ces notions qui font désordre ne seraient donc qu'évolutions de situations dans lesquelles nous n'aurions pas pu déceler le grain de sable qui rompit ces beaux ordonnancement dont nous sommes si friands !
Qu'est-ce que tout cela peut avoir à faire avec Intérieur Nuit, émission culturelle, me demanderez- vous ?
Outre le fait que nous revendiquons les sciences comme faisant partie intégrante de notre culture ( ce qui est loin d'être le cas de tous les dits "acteurs culturels"), nous pensons que ces lois du Chaos s'appliquent aussi à la création culturelle.
De petits événements qui peuvent sembler insignifiants ou perturbants, comme par exemple le mouvement Punk, peuvent avoir un effet inattendu et créatif dans le processus culturel.
Mieux, nous ne serions pas loin de penser que seuls les écarts à l'ordre établi permettent le renouvellement et le rafraîchissement culturel.
Bon, d'accord, les Punks ont eu le temps de se faire récupérer par le show-bizz, depuis, et sont devenu objets courants de merchandising, mais cela fait partie du processus de consommation qui s'accélère significativement depuis le début des années 70 (ce n'est pas une excuse, c'est une explication).
Dans cette optique, Didier Verbeek, en compagnie de Ph. Cornet, ont rencontré une solide paire d'événements chaotiques réunis dans un groupe musical (?) qui a pour nom Jardin d'Usure.
Ces 2 musiciens se revendiquent d'ailleurs des lois du Chaos, au point de s'en être fait tatouer le symbole dans leur chair (ouille !).
Nous n'irons pas jusqu'à prétendre qu'à terme, et après moultes évolutions aussi exponentielles qu'imprévisibles, ce groupe influencera la musique contemporaine comme la pomme de Newton a influencé la science gravitationnelle, mais qui sait ...
Certains objets, certains paysages, certains développements végétaux peuvent sembler n'obéir du point de vue de leur structure, à aucune loi particulière, et cependant, un paysage rocheux, un choux-fleurs, une fougère ou une fugue de J-S Bach intègrent ce que Benoît Mandelbrot a appelé la géométrie fractale. Il s'agit d'objets dont la structure apparemment aléatoire serait répétitive et arborescente, en ce sens que si l'on agrandit l'un de ses détails on obtient à nouveau le motif tout entier. Michel Jakar et Alexandre Wajnberg se sont intéressés aux structures fractales, courez-y voir !
Quant à Xavier Ess et votre serviteur, plus spécialement intéressés par les nouvelles technologies dans le domaine de la communication, nous avons cherché à montrer que ces facteurs de désordres que sont les hackers, peuvent à l'image de Steve Jobs et Stephen Wozniak (fondateurs de Apple et anciens "bidouilleurs"), casser la stricte tendance "nerd" (intraduisible et inexistant en français; désigne l'informaticien au sens le plus obtus du terme), et introduire de l'innovation et de la créativité dans un domaine qui sans eux serait d'une logique aride et sans faille.
Nous avons donc rencontré, à Paris, Jean Bernard Condat, ex-secrétaire général du Chaos Computer Club de France (nom indubitablement inspiré du Chaos Computer Club de Hambourg, qui est un célèbre club de hackers allemands).
Il nous est rapidement apparu que celui dont nous pensions qu'il avait pu être ce facteur chaotique qui amène un vent frais, était au contraire un agent au service de l'Ordre dans son acception la plus conservatrice et la plus littéralement policière.
Nous avons néanmoins gardé le reportage tant il nous est apparu édifiant quant au désir impérieux du pouvoir de contrôler, par tous les moyens, les individus qui seraient tentés par de trop grands écarts par rapport à la norme.
Il s'agira donc du portrait flou d'un personnage glauque dont les propos invérifiables tentent de noyer un poisson quelque peu myope.
Nous avons demandé à Mony Elkaïm, neuropsychiatre, qui s'inspire des théories de I. Prigogine dans sa pratique des thérapies familiales, de bien vouloir participer à notre plateau et à réagir aux sujets présentés.