A l'est de la ville d'Alost (Aalst) en Belgique, entre la Dendre (fleuve) et le chemin de fer, s'est développé, depuis la première révolution industrielle, un énorme site industriel dont il faut désormais envisager la reconversion.
Trois personnes ont pris l'initiative de réfléchir à cette situation: l'architecte alostois Christian Kiekens, pour qui cette ville est un concentré de bâtiments aux fonctionnalités complètement différentes; le plasticien Peter Downsbrough qui travaille sur l'urbain et son contexte; et l'urbaniste Raymond Balau qui y voit un très excitant défi pour l'aménagement du territoire.
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Christian Kiekens | Peter Downsbrough | Raymond Balau |
Le gros problème d'Alost, c'est sa densité. La ville est coincée à l'est par une triple ceinture: la Dendre, le chemin de fer et les usines; cette partie de la ville n'a donc pu que se densifier sans pouvoir s'étendre.
Or, désormais, une reconversion du site industriel est possible, et la ville va enfin pouvoir se déployer. C'est une perspective nouvelle porteuse d'espoir, mais inquiétante aussi, compte tenu de la ringardise ambiante en matière d'aménagement du territoire et de planification urbaine.
Voici quelques extraits du texte de Raymond Balau qui accompagne le catalogue de l'exposition Densities qui se tient à la galerie S65 à Alost et qui livre le résultat de leur réflexion:
"... susciter une intervention d'artiste a posteriori est une chose, poser d'emblée la nécessité d'un regard critique, avant même que toute mécanique de projet soit enclenchée, c'en est une autre. Le travail de Peter Downsbrough révèle sans concession ce qui échappe à l'architecture en tant que discipline, ce qui la déborde, et il montre combien le monde urbain est fait de ces proliférations périphériques, terriblement péremptoires et en cela révélatrices des carcans des habitudes architecturales. Le travail sur l'urbain n'est pas uniquement un aspect de ses préoccupations, mais une ligne de pensée qui traverse au contraire l'essentiel de sa production à caractère architectonique, des livres aux projets d'espace publics, en posant comme essentielle la question du contexte. Pour sa part, le regard de Christian Kiekens sur l'art actuel et sur l'histoire, catalyse et alimente ses propres élaborations. Les connexions entre niveaux de signification, comme entre régions de références, donnent une résonance désenclavée aux thèmes sous-jacents de ses innombrables esquisses et des projets qu'il en tire"...
..."La promotion immobilière, la mise en scène artificielle d'un quartier de substitution, ou l'évacuation des traces tangibles de l'industrie ont autant de dangers de passer d'un extrême à l'autre. Le pittoresque pourrait supplanter une configuration socio-économique qui aura pourtant intrinsèquement liée à l'évolution de la ville. Si une décision de démantèlement était prise, la destruction des installations pourrait correspondre à la désintégration pure et simple d'un pan entier d'histoire urbaine... L'énorme contrefort industriel marque d'un paradoxe la morphologie d'Aalst: ce pur lieu de transformation se présente comme un obstacle fixe, impénétrable. Une telle spécificité n'appelle pas nécessairement la mise à blanc des terrains, ni le passage simpliste d'un urbanisme à un autre. Au-delà des a priori - comme celui de tenter de tout faire disparaître -, et parallèlement à l'envie de résurgence des structures antérieures, il n'est peut-être pas inutile d'identifier dans ce matériel construit des points d'ancrage pour une démarche de projet".
..." Les éléments montrés à Aalst en mai 96 (à S65) ne correspondent pas seulement à un point de départ de projet, mais forment un calque qui se superpose désormais à l'épaisseur urbaine. Cette exposition est une première étape délibérément décentrée par rapport aux filières ordinaires de l'aménagement du territoire, mais qui leur associe une exigence généralement évincée".