Historique


Au moyen-âge, une oeuvre d'art, c'est d'abord le produit d'une relation sociale qui est, entre autre chose, de nature commerciale. Le prix de l'oeuvre c'est le prix de l'objet (le bois, l'or, les couleurs qu'on a dû acheter) augmenté des heures passées à le confectionner par l'artisan.

Ainsi Lorenzo Ghiberti, en 1407 doit signer un contrat où il est stipulé:

"Le Maître doit travailler personnellement tous les jours ouvrables comme tout salarié, et les journées d'absence seront déduites de son traitement "


Parfois, en raison de la sainteté du peintre, celui-ci pouvait fixer lui-même le prix de l'objet. Mais, malgré toute sa sainteté, Fra Angelico était contraint à peindre scrupuleusement ce qu'on lui avait demandé. La peinture était encore une chose trop sérieuse dans la cité pour être abandonné aux peintres.


La Renaissance, va substituer au peintre artisan une nouvelle figure qui sera celle de l'artiste. Ainsi, ce personnage qui nous regarde fièrement, ce n'est pas un seigneur, mais le peintre allemand, Albrecht Dürer, qui vous présente sa création.
Désormais, le prix d'une oeuvre d'art, c'est toujours le prix de l'objet, de ses matériaux, et du temps de sa réalisation mais aussi, le prix du supplément d'âme, du pinceau de l'artiste, c'est-à-dire, de ce qu'il a dans le coeur. Et son coeur, Dürer le place dans cette magnifique signature, sommée à présent de le représenter.


Les Musées se sont fait à partir de cette logique de la signature. Si bien que l'on pourrait dire qu'ils sont principalement une collection de noms, dont les grandes expositions nous présenteraient, la version la plus caricaturale de ce culte.
Ne manquez surtout pas, à partir de mars, l'exposition Vermeer, à La Haye.

Mais la signature, c'est la liberté apparente du peintre ainsi quand Isabelle d'Este que l'on voit à l'écran, duchesse de Ferrare, se met en tête de vouloir un tableau de Giovanni Bellini ou de Léonard, et donne à Pietro Bembo un dessin qu'elle désirerait voir traduit en peinture. Son entremetteur, lui fait savoir que:
"La composition que votre Seigneurie me demande de traduire en dessin, il faudra qu'elle se plie à la fantaisie du peintre car il n'aime pas qu'il y ait de définition précise de son style; il se plaît à vagabonder librement dans les tableaux. "


L'art moderne, s'il a continué à cultiver les noms, a tendu à réduire la part de l'objet qui se minimalise ou se conceptualise comme dans ces 144 plaques de métal de Carl André en 1969.

Plus fort encore, on se mit à exposer du vide, comme Yves Klein en 1962, au musée de Paris.
Notons, au passage, qu'en exposant de l'immatérialité, Yves Klein retournait un peu à l'idée du fond d'or byzantin du peintre siennois du XIVe siècle, Lorenzetti


On vit alors un curieux commerce, entre l'acheteur et l'artiste, qui se résuma à un échange de papier. Le collectionneur donnait un chèque, tandis que l'artiste, comme ici Piero Manzoni, signant des sculptures vivantes en 1961, lui remettait un certificat d'authenticité: papier contre papier.


Certains on pu s'effrayer des prix immoraux atteints par le marché de l'art dans les années 80. A tort je pense car ils n'ont pas compris que l'art n'était pas surévalué, il avait simplement changé de nature, il était devenu l'argent lui-même. Comme le prédisait Malraux. La seule chose qui est regrettable désormais, c'est que le banquier n'est plus à côté de sa femme, mais devant un écran d'ordinateur, mais qui le plaindra ?

Alexandre Vanautgaerden